Les fusées du canon de 75

Les fusées du canon de 75.


Afin de poursuivre la présentation des munitions tirées par le canon de 75 modèle 1897, cette page va vous donner un aperçu des différents types de fusées utilisées et de leur fonctionnement général.

Sources:
- Organisation des matériels d'Artillerie, Tome I, 1936.
- Renseignements sur les matériels d'Artillerie de tous calibres en service, 1927.
- Instruction relative aux munitions, 1917.
- Manuel à l'usage des sous-officiers chargés des munitions dans l'Artillerie à pied, 1913.
- Manuel du gradé d'Artillerie de Campagne, édition 1915.
- Règlement de manœuvre de l'Artillerie, Tome 5, 1923.


Introduction

La fusée est l’artifice qui permet l’amorçage du projectile, c'est-à-dire son fonctionnement au moment voulu.
Sa constitution dépend du type de fonctionnement, mais aussi de la nature du chargement explosif de l'obus.

Une fusée est en général composée:
- d'un système d'armement qui rend la fusée prête à fonctionner au départ du coup et qui évite tout fonctionnement intempestif lors des manipulations et des transports.
- d'un système de sûreté qui évite tout fonctionnement prématuré sur la trajectoire une fois que la fusée est armée;
- d'un système de mise feu qui détermine le fonctionnement au point de chute voulu.


Les fusées utilisées par l'artillerie de campagne ou la D.C.A. peuvent être:

- percutantes : elles fonctionnement à l'impact du projectile, en général un obus explosif.

- fusantes : elles fonctionnement au moment souhaité sur la trajectoire de l'obus (pour le tir contre aéronef). 

- à double effet : fusantes pour fonctionner sur la trajectoire, elles possèdent également un système de mise de feu percutant au cas où le système fusant fait défaut ou s'il n'est pas activé. Le tir à double effet est utilisé avec des obus à balles.



Les fusées percutantes en service utilisées par le canon de 75 :


Les fusées percutantes possèdent un détonateur et sont utilisées sur les obus explosifs.

Pour des raisons de sécurité, elles sont toujours livrées à part et ne sont vissées sur les obus qu'au dernier moment, juste avant le tir.

De nombreux modèles, toujours plus efficaces ont été fabriqués pendant la grande guerre.
C'est ainsi que sont apparues les fusées percutantes sans retard (C.R.), à court retard (C.R.), à long retard (L.R.). 
Suivant le modèle, l'objectif est de faire exploser l'obus instantanément à l'impact, ou avec un retard de 0"05 sec, 0"15 sec ou 0"35.

Toutes les fusées portent des marques (faites au nitrate d'argent) relatives au type de la fusée, à l'atelier, au lot, à l'année de fabrication.
Elles portent également des colorations permettant d'identifier rapidement leurs caractéristiques. 
Par exemple:
- Tête blanche ou non colorée : Fusée SR
- Tête noire : Fusée CR
- Tête noire et queue violette : Fusée LR
- Tête et coiffe rouge : Fusées IAL (pour 95 et 155 C. anciens modèles)
- Collerette verte : Ressort de sûreté renforcé.
- Coiffe bleue (fusée à barillet):Fusée fusante
- Coiffe blanche (fusée à barillet) : Fusée double effet
- Coiffe noire (fusée à barillet) : Fusée fusante ou double effet à longue durée.



Très belle carte postale montrant une équipe de pièce en pleine action avec son canon de 75.Au 1er plan on distingue les obus de 75 explosifs modèle 1900 empilés et qui n'ont pas encore de fusée.
De chaque côté des caisses pour obus de 75. A droite posées sur une caisse des fusées prêtes à être vissées avant le tir.
En bas à droite, une petite caisse de fusées détonateur à double effet. Enfin, on voit l'artificier penché vers la gauche qui manipule des fusées pour les visser.




Fusée percutante détonateur de 24/31 Modèle 1899, 1899-08, instantanée ou court retard.







Fusée percutante détonateur de 24/31 1899-1915, instantanée (S.R. = sans retard)







Fusée percutante détonateur de 24/31 Modèle 1914, instantanée







Fusée percutante détonateur de 24/31 RY Modèle 1917, instantanée







Fusée percutante détonateur de 24/31 RYG Modèle 1918, instantanée ou court retard







Fusée percutante détonateur de 24/31 IAL  Modèle 1916, instantanée







Fusée percutante détonateur de 24/31 Schneider Modèle 1916, instantanée ou court retard








Fusée percutante détonateur de 24/31 Tronconique AL  (TCAL) Modèle 1918, instantanée






Les fusées fusantes et à double effet :


Lors de la mise en service du canon de 75 modèle 1897, la fusée fusante (ou à double effet) était destinée à équiper les obus à balles.
Les obus à balles du canon de 75 étaient livrés par caisse de 9 cartouches en coup complet prêt au tir, c'est-à-dire avec la fusée déjà vissée sur l’œil de l'obus.

Avec le développement de la Défense Contre Aéronefs (DCA), les principales modifications apportées aux fusées fusantes jusqu'aux années 30 vont concerner :
1. La durée de combustion du cordon fusant (la durée d'évent) :
      - 24 sec pour les fusées normales
      - 31 sec pour les fusées allongées (A)
      - 50 sec pour les fusées longue durée (LD)
      - 70 sec pour les fusées longues durée allongée (LDA)
2. la mise en place d'un détonateur pour le tir d'obus explosifs contre aéronefs.


De manière générale, il existe 3 types de fusées fusantes ou à double effet :
- les fusées à barillet (utilisées par l'artillerie française) ;
- les fusées à plateau (utilisées par l'artillerie allemande) ;
- les fusées à mouvement d'horlogerie (qui ont un prix de revient très élevé)




Principe de fonctionnement :


Les fusées fusantes et double effet en service en France (dites fusées à temps) au début du siècle et jusqu'à la seconde guerre mondiale sont du type à barillet.

Le principe de fonctionnement du retard repose sur la durée de combustion d'un cordon de pulvérin - ou tube fusant (composé de poudre noire et gomme laque) allumé au départ du coup.

Le tube fusant brûle régulièrement et transmet le feu au chargement intérieur du projectile au bout d'un temps qui croît avec la longueur du tube, comprise entre le point d'allumage et l'extrémité communiquant avec le chargement.

Si le tube fusant a été percé en un point déterminé (fusée débouchée), les deux tronçons du tube brûlent; seul le tronçon inférieur joue le rôle de retard.
Si la fusée n'a pas été débouchée, l'appareil fusant ne fonctionne pas. Dans le cas d'une fusée à double effet, le fonctionnement sera alors le même qu'une fusée percutante.


Toutes les fusées fusantes ou DE (double effet) en service doivent donc être réglées avant le tir ("débouchées") à l'aide du débouchoir automatique.

Détail d'une fusée fusante 22/31 modèle 1897 qui se règle avec le débouchoir automatique :
On voit nettement le retard en colimaçon sur la coiffe de la fusée. Un gros trou : 1 seconde, un petit trou : 1/2 seconde, un trait : 1 dixième de seconde.


Les fusées à temps sont livrées montées sur les obus, au contraire des fusées percutantes qui sont visées au dernier moment avant le tir, pour des raisons de sécurité.

Elles sont beaucoup plus sensibles à l'humidité que les percutantes. En effet, le chapeau  qui protège le serpentin de poudre noire n'est pas suffisamment étanche. A cause de la rapidité de consommation de munitions lors des combat, on avait cru pouvoir se dispenser d'un coiffe de protection sur ces fusées. Mais de nombreux ratés ont été constatés, dus aux conditions précaires de conservations réalisées sur le terrain.
En conséquence, toutes les fusées  de 22/31 et 24/31 sont vissées sur les obus munies d'une coiffe prolongée par un manchon métallique emboîtant en partie l'ogive et assurant l'étanchéité du joint de la fusée et de l'obus.

La coiffe est enlevée au dernier moment avant le tir à l'aide d'un décapsuleur,  juste avant le réglage du retard à l'aide du débouchoir automatique.


Instruction du 30 janvier 1908 sur le capsulage des fusées des cartouches de 75 :
Pour assurer la conservation des fusées à DE de 22/31 des cartouches de 75 et de 30/55 des obus de 155 des batteries de 155 C modèle 1904 T. R., ces fusées sont munies d'un capsulage pouvant être rapidement enlevé au moyen d'un décapsuleur. 
La partie principale de ce capsulage,est constituée par une coiffe en laiton étamé (S) enfoncée sur une coupelle C en laiton étamé et agrafée par dessous. Cette coupelle est engagée sous le plateau de la fusée et maintenue sur l'obus par le vissage de cette dernière. Une rondelle de caoutchouc R est interposée entre la coupelle et le méplat de l'obus (Fig. 94).

La coiffe et le joint avec l'obus reçoivent deux couches de peinture blanche.
Les inscriptions relatives au chargement de la fusée et à la confection du capsulage sont apposées, à l'opposé des marques de l'obus, avec des caractères de même dimension.





Fusées pour œil de 22 (vissées sur les obus à balles):



Fusée à double effet de 22/31 modèle 1897, durée 24 secondes, obus à balles à charge arrière






Fusée fusante de 22/31 modèle 1916, durée 24 secondes, obus à balles à charge arrière pour le tir contre avions







Fusée fusante de 22/31 A modèle 1917, durée 31 secondes, obus éclairants de 75 et obus à balles à charge arrière pour le tir contre avions





Fusées pour oeil de 24 (vissées sur les obus explosifs):



Fusée détonateur fusante de 24/31 modèle 1916, durée 24 secondes, obus explosif pour le tir contre avions



Fusée détonateur à double effet de 24/31 A modèle 1916, durée 24 secondes, obus explosif pour le tir fusant ou percutant







Fusée fusante de 30/55 modèle 1913, durée 49 secondes, obus obus à balles modèle 1897-1911, obus à balles Mle 18987-1917 pour le tir contre avions et les obus traceurs de 75 Modèle 1913







Marquages des fusées:


Les fusées fusantes de 22/31 et 24/31 se distinguent des fusées à double effet par une couche de vernis bleu apposé sur l'écrou de serrage du chapeau et l'extrémité de la tige bouchon.

Les fusées de 30/55 à double effet et fusantes ont une coiffe en plomb recouverte de vernis blanc (30/55 DE 1889 T) ou d'un vernis bleu (30/55 fusante 1913)