Ravitaillement

Le ravitaillement des batteries de 75


La dotation totale prévue pour chaque canon de 75 est de 1360 coups en cas de mobilisation. 
Derrière ce chiffre, c'est toute la chaîne de production de munitions des arsenaux qui est ainsi dimensionnée. Les premiers combats du confit et notamment la bataille de la Marne vont mettre en évidence l'énorme surconsommation d'obus lors des grandes offensives.
Le haut commandement se voit contraint d'augmenter la production nationale de munitions d'artillerie dès la fin 1914. (voir la page consacrée à la crise du 75). 

Nous allons voir sur cette page décrit comment était organisée la chaîne du ravitaillement au niveau du régiment, du corps d'armée et de l'armée, au début du conflit. 


La batterie d'artillerie de campagne: 


La batterie représente la plus petite unité d'artillerie, aussi bien au combat qu'au niveau administratif.
Avec la décision ministérielle de 1899, puis avec la loi du 24 juillet 1909, la batterie d'artillerie devient réglementairement à 4 pièces. 
Le 75, depuis sa mise en service formait déjà des batteries à quatre pièces. 


Rappelons la composition d'une batterie de 75 ( soit 3 officiers, 171 hommes, 168 chevaux et 22 voitures):

- quatre pièces avec canon et caisson, attelés chacun à un avant-train,
- une 5° pièce dotée de 2 caissons,
- une 6° pièce dotée de 3 caissons,
- une 7° pièce dotée de 3 caissons,
- une 8° pièce qui rassemble la forge et le chariot de batterie,
- une 9° pièce qui rassemble 3 fourgons à vivres et un chariot-fourragère. 

Chaque canon de 75 emporte dans ses coffres un total de 120 coups (72 dans le caisson, 24 dans chaque avant-train).
Les 8 caissons emportent un total de 768 coups (8*72 + 8*24), soit 192 coups supplémentaires par canon de 75.
La dotation initiale de la batterie est donc de 1248 coups de 75, soit 312 par pièce. 

La batterie agit au sein du groupe de batterie, commandé par un chef d'escadron.
Chaque division d'infanterie comporte un RAC à 3 groupes d'artillerie de campagne, soit 9 batteries.
L'artillerie dépendant du corps d'armée est formée par les RAC à 4 groupes, soit 12 batteries.
Un corps d'armée à deux divisions d'infanterie aligne donc 30 batteries, soit 120 canons de 75. 
Cela représente 360 caissons renfermant 34500 coups, auxquels on peut ajouter les 2880 coups des avant-trains.



Le ravitaillement sur le front: 


Mis à part la 5° pièce qui s'installe près des canons de 75, les 6°, 7°, et 8° pièces forment l'échelon de combat qui s'installe 400 à 500 mètres en arrière du front de batterie, à l'abri des vues. 
Les avant-trains des canons viennent s'abriter au sein de l'échelon une fois la batterie installée en position de tir. 
Au sein du groupe de batteries, les 3 échelons peuvent se rassembler, avec l'état-major de groupe, dans la même zone si elle suffisamment grande et à l'abri. 
Le rôle de l'échelon est avant tout de rassembler tous les moyens pour soutenir les batteries en munitions, vivres et fourrage. De même, les attelages "haut-le-pied" (ou de remplacement) sont rassemblés au niveau de l'échelon. La 9° pièce forme, avec les autres 9° pièces de toutes les batteries du régiment, le train régimentaire qui est aux ordres de l'état-major de régiment.
Cette organisation sur le terrain, près de la zone des combats, permet aux Capitaines des batteries de tir de ne se préoccuper que de la conduite de l'action qui se déroule et de diriger le feu des 75. 

Des agents de liaison assurent le contact permanent entre l'échelon et la batterie de tir et veillent à leur approvisionnement. Lorsque les coffres en position à côté des canons commencent à se vider, on remplit dans un premier temps les casiers vides avec les munitions des deux coffres supplémentaires se trouvant à proximité. On fait ensuite appel à l'échelon qui envoie deux caissons pleins pour les remplacer. Les deux caissons vides repartent vers l'échelon avec les attelages ayant amené les deux pleins. Et ainsi de suite...
Les avant-trains se sont jamais vidés directement sur le front mais au niveau de l'échelon. Ils sont transbordés si besoin dans les caissons vides. 




Le ravitaillement en arrière du front: 

Le parc de corps d'armée: 


La chaîne du ravitaillement s'étale en profondeur avec les parcs de corps d'armée. Ils sont le niveau de ravitaillement immédiatement supérieur à l'échelon de combat. .
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Réparti en plusieurs échelons si besoin (1°, 2° et 3° échelon éventuellement), le parc de corps d'armée a le soucis constant de satisfaire les besoins en munitions et en vivres des unités dépendantes du corps d'armée (dont les cartouches de fusil et autres grenades pour l'infanterie). C'est un véritable arsenal roulant doté de ses propres moyens de transport hippomobiles et automobiles. 
Situé à une distance entre 4 et 10 km du front, suivant ses échelons, le parc de corps d'armée peut transporter instantanément 189 coups par canon, soit un total de 22 680 coups pour les 120 canons de 75 du C.A.
Le parc de corps d'armée envoie des agents de liaison vers les échelons de combat pour "prendre les commandes" et leur envoie le nombre de caissons demandés. Suivant le terrain et l'intensité du combat, il peut être divisé en échelons sur la profondeur de la zone d'action qui assurent le flux permanent de munitions et de vivres vers l'avant, suivant les besoins. 


Le parc d'armée: 

Le parc de corps d'armée doit lui-même se ravitailler rapidement, car les 189 coups par canon qu'il possède se sont pas suffisants pour satisfaire la demande lors d'une intense préparation d'artillerie. 

Le parc d'armée, qui est installé dans une grande zone, entre 15 et 20 km en arrière du front, est divisé suivant le nombre de corps d'armées formant l'armée qu'il doit approvisionner. 
Chaque division du parc comporte également une section de réserve chargé de fournir aux batteries tout le matériel de remplacement nécessaire (canons, affûts, pièces de rechange, attelages...). 
Très peu mobile, le parc d'armée s'appuie sur les infrastructures existantes des villes, en préférant l'utilisation de gares régulatrices
Moyen privilégié de transport stratégique, la voie ferrée possède une grande capacité de transport. Des trains entiers chargés de munitions arrivent directement des grands arsenaux qui doivent maintenir le stock des parcs d'armées. Dans ces gares, ils sont déchargés et les munitions stockées en l'état, dans leurs caisses. Mais comme le parc d'armée ne possède qu'un nombre très restreint de chariots comparé au tonnage qui arrive dans ses gares régulatrices, les sections de parc d'armée créent des dépôts où doivent venir se ravitailler les échelons de parc de corps d'armée.
En 1914, le stock du parc d'armée était de 200 coups par canon. 




Pour conclure, chaque canon de 75 présent sur le front dispose de 312 coups au niveau de la batterie, de 189 au parc de corps d'armée et de 200 coups au parc d'armée, soit un total de 701 coups disponibles.