Le frein de tir du 75


Véritable défi technologique pour l'époque, le frein de tir à long recul n'existait pas encore lorsque l'étude du canon de 75 a commencé en 1892.

Organe essentiel du canon de 75, ce frein assurait l'immobilité absolue de la pièce lors du tir et évitait de fastidieux repointages entre chaque coup tiré. Le tir rapide était né.

Un canon de 75 à l'entretien avant 1910 et entouré des servants et du maréchal-des-logis mécanicien.
Vous noterez que le canon est en position de recul et donc déclaveté. La culasse est également démontée.




Sources:
- Règlement de manœuvre de l'Artillerie, Titre V, description et entretien du matériel et des munitions de 75 Mle 1897, 1923.
- Ecole d'Application de l'Artillerie, Croquis du canon de 75 Mle 1897, 1929.
- Le fonctionnement complet du canon de 75 par L. Baudry de Saulnier.
- Les Canons de la Victoire, 6ème édition du manuel d'Artillerie Lourde, par le Colonel Alvin et Commandant André, 1923.



Description  du frein :


Le frein hydropneumatique se compose d'un corps en acier percé de canaux cylindriques superposés (la glissière).



Le piston de frein se déplace dans le cylindre supérieur qui est entièrement rempli d'huile oléonaphte. La tige de frein est reliée au tenon du canon.

Le cylindre inférieur communique à l'arrière avec le cylindre supérieur et contient la réserve d'huile. Sa partie avant, séparée de la partie arrière par un piston mobile, contient de l'air comprimé.

Au moment du départ du coup, la tige de frein recule avec le canon. C'est le laminage de l'huile entre le cylindre supérieur et celui inférieur qui va freiner le recul de la bouche à feu.
Le recul est freiné sur une longueur de 1,20 m.
Le retour de la bouche à feu dans sa position initiale va se faire grâce à la détente de l'air qui a été comprimé lors du recul.






Le frein présente:
a. sur la face antérieure :
     un arrêtoir à ressort,
     le bouchon d'avant ou l'amortisseur à air;
b. sur la face postérieure:
     la jauge, qui sert à indiquer l'état de la réserve du frein,
     la plaque à godet;
c. sur la partie supérieure (fig. 8) :
    l'extrados,
    les plans inclinés,
    les chemins de roulement inférieurs,
    les chemins de roulement supérieurs,
    la butée du coulisseau de frotteur;




d. sur les côtés:
     l'orifice de remplissage, fermé par un bouchon porté par une lanière,
     le trait de repère,
     les tourillons qui reposent sur les demi-tourillons creux du berceau.

Le tourillon droit est percé de façon à pouvoir mettre en communication la pompe et le frein; cette communication établit par l'intermédiaire du raccord de tourillon droit et du tuyau d'affût.

Une bride de serrage réunit le raccord pivotant et le raccord supérieur du tuyau d'affût; la bride est maintenue par un écrou qui sert aussi à fixer le couvre-raccord.

La tige de frein est reliée au manchon par l'intermédiaire de l'écrou de traction, de la chape, et de la clavette (fig. 9); celle-ci porte un ressort et une rainure en forme de rampe dans laquelle se déplace le tenon du verrou de clavette.




Le coulisseau et le frotteur sont destinés à assurer le nettoyage des glissières du frein; de plus le coulisseau limite le recul du tube après déclavetage.
Le coulisseau en bronze porte un feutre et le logement du boulon de frotteur.



Le frotteur porte deux feutres, dont les 3 faces extérieures s'appliquent contre les chemins de roulement supérieur et inférieur et contre les joues du frein; les frotteurs de plan incliné, en bronze, sont appliqués par leurs ressorts contre les plans inclinés du frein.




Fonctionnement du frein:


En route et au début du recul, les plans inclinés de la jaquette reposent sur les plans inclinés du frein et les galets sont légèrement surélevés par rapport aux chemins de roulement.



Au départ du coup, la jaquette glisse sur les plans inclinés du frein et les galets viennent doucement au contact de leurs chemins de roulement; à partir de ce moment, la jaquette roule sur le frein par ses galets antérieurs et postérieurs.



Au moment où les galets postérieurs sont sur le point de quitter leurs chemins de roulement, les galets de la bouche entrent en contact avec les chemins de roulement supérieurs; pendant la fin du recul, la bouche à feu roule sur les galets antérieurs et sur les galets de la bouche.

Lorsque la bouche à feu recule, le piston, entraîné par la bouche à feu, chasse l'huile dans le cylindre inférieur, ce qui refoule le diaphragme et accroît la compression de l'air.
La résistance offerte par cette compression et par le passage du liquide dans les organes internes du frein produit le freinage de la masse reculante. Le recul terminé, la détente de l'air comprimé ramène la bouche à feu à la position initiale.


Les galets antérieurs sont préservés du choc provenant du soulèvement du canon, qui se produit au départ du coup, par la traverse, dont le plan supérieur est légèrement au dessus  des galets; pendant les routes, la traverse empêche le contact des galets avec les joues du frein.

Fonctionnement de l'amortisseur à air:

L'amortisseur à air comprend un diaphragme percé de trois trous, avec un ressort de rappel et un bouton moleté. Le diaphragme peut occuper quatre positions correspondant au placement du bonhomme en face des traits de repère 0, 1,2, 3 gravés sur la face antérieur de l'amortisseur.
Au recul, le diaphragme se soulève et l'air rentre en avant du piston. A la rentrée en batterie, le diaphragme se ferme automatiquement et l'air s'échappe par les trous qui sont découverts, et plus ou moins librement suivant leur nombre.
A la position 3, le trois trous sont découverts (1 de 4 mm. et 2 de 0 mm 5 de diamètre ).
A la position 2, les deux trous de 0 mm 5 sont seuls découverts.
A la position 1, un trou de 0 mm 5 est seul découvert.
A la position 0, les trois trous sont bouchés; le passage de l'air n'est permis que par le manque d'étanchéité de l'appareil.



Dispositif de sécurité:


On a voulu rendre la mise de feu impossible quand le canon est déclaveté; ce résultat est obtenu par le fonctionnement du verrou de clavette.
Le déplacement de la clavette de chape lorsqu'on exécute l'opération de «déclaveter» fait monter le verrou de clavette; ce mouvement ne peut avoir lieu que si la tête du verrou de clavette se trouve en regard de la mortaise de la culasse, c'est-à-dire si la culasse est ouverte.
Inversement, tant que l'opération de «reclaveter» n'a pas fait redescendre le verrou de clavette, la fermeture de la culasse et la mise de feu sont impossibles, la tête du verrou de clavette immobilisant la culasse à la position d'ouverture.




Pour aller un peu plus loin avec le frein de tir du 75:


Voici un extrait d'un cours sur l'organisation des matériels d'Artillerie qui permet de préciser certains aspects de cette page consacrée au frein de tir.

Source: 
Ecole d’Application d’Artillerie  - Organisation des Matériels d’Artillerie – Tome III – Affûts, 1934. Cours rédigé par le Lieutenant-colonel d’Artillerie CLAVEL.


Fonctionnement au recul

Au départ du coup, le canon recule, entraînant la tige de piston et la tête de piston vers l'arrière. La tête de piston repousse le liquide par l'orifice de communication dans le trou inférieur.
Le liquide ainsi chassé soulève les clapets de la monture, vient passer à travers l'orifice annulaire étroit compris entre la règle et le trou central de la bague (freinage de recul).
Il refoule ensuite le diaphragme et le piston libre et comprime l'air. Au bout d'un certain temps et d'une longueur de recul variable avec l'angle de tir, la masse reculante s'arrête.
Fonctionnement au retour en batterie
Quand le recul est terminé, l'air en se détendant repousse le piston libre, le diaphragme, et par suite le liquide qui repasse sans résistance appréciable dans l'orifice du frein de recul .
Mais, ensuite, le liquide trouve fermés les clapets du tube de monture. Il ne peut s'écouler que par l'intérieur du tube de monture, et dans ce tube de monture, ne trouve comme passage que les 2 rainures longitudinales. Elles constituent les orifices du frein en retour en batterie.
Pour obtenir la rentrée en batterie de la masse reculante sous tous les angles compris entre 0° et 40°, on donne à l'air du récupérateur une pression initiale de 118 Kgs/cm, à 15 C°.

Nous voyons donc que, dans le lien élastique du 75 modèle 1997 :

a) le piston sert à la fois de piston de frein de recul et de piston de récupérateur ;

b) le frein de recul a son piston dans le trou supérieur et  son orifice dans le trou inférieur. On peut dire que,  par suite de la forme donnée à la règle ronde, le frein de recul est à orifice constant, pour les reculs normaux.

c) le frein de retour en batterie ou modérateur est du type frein à fraisures.

Réserve

Le liquide utilisé dans le frein hydropneumatique de 75 est de l'huile oléonaphte.
Si le frein vient à perdre de l'huile, le retour en batterie peut être incomplet .
Pour parer aux pertes, on introduit, à l'aide de la pompe un excès d’huile. Par le tuyau, le raccord du tourillon droit, le coup d'ongle, cet excès d'huile vient se caser entre le diaphragme et le piston libre, en poussant ce dernier vers l'avant.

Cet excès d'huile porte le nom de réserve , Elle est en communication avec le reste du liquide du frein par le coup d'ongle, une rainure de la tranche antérieure de la bague et la face postérieure évidée du diaphragme.
Etant constamment sous pression, du fait de l'air comprimé, la réserve nourrit le liquide du frein.
Quand la réserve est épuisée, le piston libre est appliqué contre le diaphragme par la pression de l'air. Le ressort de poussée de règle est comprimé. Toutes les pertes de liquide se font alors au préjudice du liquide du frein.

On dit que le frein est paré, lorsque le piston libre et le diaphragme sont séparés par une couche d'huile de 15mm.

On dit que le frein commence à être surchargé lorsque la couche d'huile devient supérieure à 15 millimètres.

Un frein surchargé amène un accroissement de résistance du lien élastique et comme conséquence, l’instabilité sous petits angles.

Mécanisme de jauge

On peut connaître la valeur de la réserve si on connaît la position du piston libre.
C’est le but du mécanisme de jauge. Il comprend un poussoir de jauge à crémaillère, un pignon et une jauge également à crémaillère. Le poussoir est entièrement plongé dans le liquide.  Une extrémité seulement de la jauge est dans le liquide. L'autre sort à l'extérieur.
Dans la partie postérieure du piston libre est vissée la tige de poussée de jauge, engagée dans le trou central de la règle ronde et qu'elle traverse de part en part,
Quand la réserve est vide, la tige de poussée de jauge bute contre le poussoir de jauge et le refoule. La jauge rentre au fond de son logement.
Au fur et à mesure que la réserve se remplit, l'amplitude du refoulement du poussoir par la tige décroît.
La jauge sort de plus en pluie du fond de, son logement.
Quand le frein est parée la jauge est sortie de 15mm du fond de son logement.
Quand le frein est surchargé, la liaison entre sa tige et le poussoir cesse.  Celui-ci devient entièrement libre dans le liquide. La pression du liquide s'exerce librement sur l'extrémité immergée de la jauge. Celle-ci fait saillie à l’extérieur.

Amortisseur

On a été conduit à doter d'un amortisseur le matériel de 75 Mle 1897, pour remédier aux accélérations de rentrée en batterie pouvant résulter des causes suivantes :

a) élévation de la température du frein due aux tirs intensifs. La pression de l'air du récupérateur augmente avec la température ;  d'autre part, l'huile chaude, plus fluide, passe plus aisément à travers les orifices de rentrée en batterie, et offre moins de résistance.

b) Usure - Les orifices de rentrée en batterie tendent à s'agrandir par usure, ce qui diminue le freinage.

c) Emploi dans le tir sous petits angles d'un frein hydropneumatique réglé pour le tir sous grands angles :

La nécessité du tir sous grands angles a conduit à augmenter la pression initiale de l'air pour assurer le retour en batterie dans de bonnes conditions. Mais alors, dans le tir sous petits angles, on ne réalise plus le retour en batterie sans choc.

L'amortisseur se visse à la place du bouchon avant. Sa tête est percée de larges trous. Sa face arrière, évidée par trois orifices, sert de siège a. un clapet, ou diaphragme d'amortisseur, normalement appuyé sur elle par un ressort, et dont la tête est percée de petits trous ou trous amortisseurs.

Au départ du coup, le recul du canon entraîne la tige du frein vers l’arrière, produisant l'aspiration de l’air extérieur. Celui-ci pénètre par les trous percés dans la tête de l'amortisseur, traverse une toile métallique, soulève le diaphragme d’amortisseur, et remplit la partie antérieure du cylindre de frein.

Dès la fin du recul, le ressort appuie le diaphragme d'amortisseur sur son siège. Le retour en batterie, ramenant la tête du piston de frein à la partie antérieure du cylindre, l'air ne peut s’échapper qu'au travers de ceux des trous amortisseurs qui se trouvent vis-à-vis des orifices du siège. Il est donc comprimé et amortit le retour en batterie.
On peut faire varier le nombre des trous amortisseurs dégagés et par conséquent la valeur de l'amortissement (quatre valeurs y compris l’amortissement nul).

Joints

Les garnitures sont constituées d'une façon générale par une matière plastique (caoutchouc dans du cuir) avec coupelles métalliques sur les angles. Elles sont en état de compression sous l’influence de rondelles Belleville serrées par un écrou.
Le piston libre est constitué par un matelas de graisse, serré par un ressort à boudin, entre deux joints de même nature que les précédents. Grâce au ressort, la pression par centimètre carré de la matière composant ce piston libre est toujours supérieure à la pression qui règne soit dans le récupérateur, soit dans le liquide.
Cet organe s'est révélé parfait depuis l'origine. L'air du récupérateur est séparé de l'huile d'une façon absolue ce qui constitue un avantage considérable. Il n'est donc pas besoin de bouteilles ou de pompes à air pour le rechargement.
De plus, la valeur donnée à la tension initiale du récupérateur n'est plus limitée, puisque le piston est étanche.

Air

L'air doit être parfaitement sec, de façon à éviter toute oxydation dans le récupérateur.

Remarques

1°) Dans le frein hydropneumatique, il n'y a pas de retours en batterie incomplets - toutes choses égales d'ailleurs - du fait de l'échauffement du liquide. Le liquide, en se dilatant, pousse tout simplement le piston libre.
On peut donc dire que, dans le frein hydropneumatique, le récupérateur joue trois rôles :
     a) c'est l'organe moteur du retour en batterie
     b) c'est le remplisseur automatique du frein, par la réserve
     c) il permet de loger le trop-plein de liquide provenant de la dilatation,

2°) Dès que le piston libre est appliqué contre le diaphragme par la pression de l'air, la réserve étant épuisée, il ne transmet plus aucune pression sur le liquide du frein d’où cette conséquence d'intérêt capital :

Le liquide du frein ne supporte aucune pression quand, le canon étant au repos (c'est-à-dire ne tirant pas) le piston libre est buté à fond de course .
Le liquide n'a donc aucune tendance à fuir, quand le canon est au repos.

RECULS A ENVISAGER

Qu'il s'agisse du 75 mod.1897 ou des matériels Schneider, il existe une longueur de recul qu'il n'est pas possible de dépasser sans dégâts graves de par la construction même du matériel. 
C'est le "recul permis". Naturellement, au tir, ce recul ne doit jamais être atteint. Aussi les orifices des freins sont-ils fermés (ou presque fermés dans le 75 grâce à la partie conique de la règle ronde) quelques centimètres avant le recul permis. On a alors le "recul dangereux" car on fait naître dans le frein des surpressions qui risquent de l'endommager, il faut donc s'en tenir à un recul moindre que le recul dangereux.
C'est le "recul normal" qui peut varier entre deux limites, la limite maximum étant inférieure au recul dangereux.
Il importe de surveiller les reculs pour s'assurer que cette limite n'est pas dépassée.