Biographie de Eugène TURPIN (1848-1927), inventeur de la Mélinite

Eugène Turpin (1848-1927), inventeur de l'utilisation pratique de la mélinite (acide picrique) au chargement des obus.


De famille modeste, apprenti dentiste après être passé par l'Ecole primaire, Eugène Turpin a suivi les cours du soir au Conservatoire des Arts et Métiers et à l'Association philotechnique. Après avoir pris part à la guerre de 1870, il fabrique des jouets en caoutchouc et s’intéresse à leur coloration. Sa découverte des couleurs inoffensives par l’acide picrique révolutionne l’habillage des jouets en caoutchouc que les enfants peuvent désormais mettre à la bouche sans danger. Quelques mois plus tard en 1877, il est récompensé par le prestigieux Prix Montyon, attribué par l’Académie des Sciences.



L’invention de la mélinite


En 1885, Eugène Turpin découvre le premier explosif panclastique aux effets bien plus destructeurs que la dynamite. S’appuyant sur les propriétés de l’acide picrique, qu’il parvient à stabiliser par pressage dans le coton, il créé un nouvel explosif, baptisé « mélinite » en raison de sa couleur proche du miel. La même année il dépose un brevet pour sa découverte.
L’Armée ne peut nier l’évidence de son talent et l’intérêt de son invention. La mélinite permet une avancée inespérée en remplacement de la poudre noire et en augmentant considérablement les effets de l’explosion des obus. Eugène Turpin vend en 1887 son procédé au Ministère de la Guerre pour environ 250 000 francs, il est décoré de la Légion d’Honneur mais n'obtient pas l'autorisation de fabriquer de la Mélinite.



Carte postale à la gloire de Turpin (1914) -  Carte postale satirique parue en 1915

Sa colère envers l'Etat le conduit à publier un texte en 1891: « Comment on a vendu la mélinite? » qui lui vaut d'être condamné à cinq ans de prison pour divulgation de secrets nationaux et de trahison pour avoir vendu son procédé à la firme anglaise Armstrong (explosif fabriqué sous le nom de Luyddite) et au gouvernement allemand. 
Incarcéré à la prison d’Étampes, il est libéré après un an de détention le 10 avril 1893, puis réhabilité et dédommagé. Sa grâce est due à une campagne d’opinion menée par ‘’Le Petit Journal, le quotidien le plus vendu au monde à cette époque. 
L'invention de la mélinite lui revient enfin ainsi que 100000 francs de dommages et intérêts.




Le Petit Journal du 21 janvier 1893 : "récompense nationale ! M. Eugène Turpin, inventeur de la mélinite, dans sa prison."

Eugène Turpin en procès contre Jules Verne


Cet épisode et le destin peu commun de Turpin inspirent un romancier à succès.  Dans « Face au drapeau », paru en 1896, Jules Verne dresse le portrait de Thomas Roch, le premier savant fou de la littérature d’anticipation, qui ressemble sur de nombreux points à Eugène Turpin.
L’inventeur traîne Jules Verne en justice pour diffamation. Le bras de fer durera toute l’année 1897. Finalement, le romancier et son éditeur, défendus par Raymond Poincaré, le futur président de la République, sont relaxés. La correspondance de Jules Verne avec son frère révéla par la suite qu'il s'était bien inspiré de Turpin pour son roman. 

Loin du tumulte en 1898, le concepteur de la mélinite réside les trente dernières années de sa vie à Pontoise dans une jolie villa au bord de l'eau quai du Pothuis, où il aime élever des pigeons. Il s’éteint le 24 janvier 1927, emporté par une complication pulmonaire.  Il a droit à de « modestes funérailles » en la cathédrale Saint-Maclou, comme le rapporte « l'Echo pontoisien » du 3 février 1927. 

Le Miroir du 14 février 1915: "L'infatigable chercheur qui découvrit la mélinite et auquel notre artillerie doit une large part de ses succès, est allé rendre visite à nos soldats. Le voici conversant avec des officiers et des sous-officiers."



Son imposant caveau, sur lequel son nom et sa qualité d'inventeur sont gravés en lettres dorées, trône au cœur du carré des tombes anciennes dans le grand cimetière de Pontoise.